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Rupture brutale des relations commerciales : les limites à la liberté contractuelle
Rupture des relations commerciales : gare à la faute !
Le contrat commercial est un contrat conclu entre un ou plusieurs commerçants ou un contrat dont l’objet est commercial. En principe, lorsque celui-ci était conclu pour une durée déterminée, il ne pouvait être rompu en dehors des cas spécifiques de rupture stipulés au contrat (par exemple : arrivée du terme, force majeure, liquidation judiciaire du cocontractant…) et sous réserve de respecter les modalités formelles de résiliation contractuellement prévues. Faute de stipulations particulières, cette règle pouvait donc poser difficulté en cas de manquement par une partie à ses obligations puisqu’elle laissait subsister le contrat.
Dans le silence des textes, les tribunaux avaient alors autorisé le cocontractant victime d’un manquement de l’autre partie, à résilier unilatéralement le contrat à durée déterminée, lorsque la gravité du manquement pouvait le justifier. Cette résiliation s’effectuait toutefois aux risques et périls du cocontractant victime qui pouvait s’exposer au paiement de dommages et intérêts (Cass. 1e civ. 20-2-2001 n° 99-15.170 ; Cass. Com. 1-10-2013 n°12-20.830 ; Cass. Com. 20-10-2015 n°14-20.416 F-D).
Cette règle n’a plus cours depuis la réforme du droit des contrats intervenue le 1er octobre 2016 puisque celle-ci y a substitué un mécanisme légal de résiliation unilatérale du contrat lorsqu’une partie manque à ses obligations. Il s’agit d’une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent pas renoncer. Désormais, quelles que soient les stipulations contractuelles, le créancier de l’obligation partiellement ou totalement inexécutée doit, sauf urgence, mettre le débiteur défaillant en demeure de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure doit indiquer que faute d’exécution, le contrat pourra être résilié. La résiliation doit indiquer les raisons qui la motivent. En cas de contestation par le débiteur, le créancier doit prouver la gravité de l’inexécution. En effet, seule la faute grave du cocontractant justifie une rupture sans indemnité.
La Cour de cassation est allée encore plus loin par deux arrêts rendus le 8 novembre 2017, en admettant que cette rupture pouvait intervenir sans préavis lorsqu’elle était motivée par un degré de gravité suffisant. Dans le premier arrêt, elle a estimé que comportement grave du cocontractant (en l’espèce, une mauvaise qualité de la prestation et des difficultés relationnelles dans le cadre d’un contrat conclu en considération de la personne) justifiait la rupture immédiate du contrat à durée déterminée (Cass. Com. 8-11-2017, n°16-22.289 F-D, Sté La BCD du son c/Sté RDBP).
Dans le second arrêt, elle a jugé que la gravité suffisante de l’inexécution justifiait une rupture sans préavis de la relation commerciale ; et ce, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle (Cass. Com. 8-11-2017, n°16-15.296 F-D, Sté Chiron ACVF c/Sté Synergy).
En vertu de cette jurisprudence, que le contrat prévoit ou non un préavis en cas de rupture liée à la défaillance d’une partie, il revient donc aux juges d’apprécier si le manquement revêt une gravité suffisante pour justifier une rupture immédiate de la relation commerciale.
Caroline Pons-Dinneweth
Avocat à la Cour